Kind of Black
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Une superbe partition que l’auteur nous donne à lire.
Sarah Davis, chanteuse à la réputation internationale vivant aux Etats-Unis, revient en France, à Paris pour un concert unique au Night Tavern, sanctuaire du Jazz de la rue Saint-Benoît. Retrouvailles avec le pianiste Stan Meursault après dix années de silence. Stan fut l’amant de la grande Sarah à une époque.
Ce concert sold out n’aura jamais lieu. Entouré de Greg, un jeune bassiste surdoué et de Patrick, batteur au toucher subtil et véritable métronome, Stan entame au piano la sublime intro de If you wait too long. Sarah ne rejoindra pas les musiciens sur scène, poignardée dans sa loge.
Le flic chargé d’initier l’enquête, un certain Jacques, est un admirateur inconditionnel de Stan Meursault. Lui-même tâtait et pianotait du jazz sur son Yamaha désormais encombré, presque entièrement dissimulé sous un fatras de fringues, papiers en tous genres.
L’enquête semble devoir être bouclée en deux demi-croches car Jeremy Baker, agent et intime de Sarah, s’est fait la malle. Oui mais… La question lancinante qui traverse ce polar teinté de jazz est la suivante : qui avait intérêt à supprimer la diva ? En l’absence de réponse à cette question essentielle, l’enquête s’enlise. Difficile de trouver un coupable quand le mobile n’apparaît pas.
Le jazz est une musique intuitive, instinctive et qui fait la part belle à l’improvisation. Tout le contraire des fondamentaux d’une enquête policière qui s’appuie sur des faits, des faits et encore des faits. Du solide, du carré, et surtout pas d’improvisation. Jacques, le flic, n’est pas officiellement chargé de l’enquête. Il a quatre cents jours de récup à prendre mais il n’aura de cesse de comprendre le drame qui s’est joué ce soir-là en quelques brefs instants dans les coulisses du Night Tavern. Une relation forte s’installe entre Jacques, flic et musicien et son idole, Stan Meursault. Complicité, échanges, partages autour d’une même passion.
Vous tenez entre les mains un excellent polar qui, sauf erreur de ma part, est aussi le premier roman de Samuel Sutra. Sur la quatrième de couverture, on peut lire : « Par son écriture qui se lit autant qu’elle s’écoute,… ». C’est précisément cela. L’auteur réalise l’alchimie entre le monde policier, ses contingences, sa lourdeur, sa rigueur qui peuvent aller jusqu’à broyer et la sphère musicale, le jazz, aérien, versatile, musique de tous les possibles. Alchimie aussi dans l’équilibre entre ces deux mondes que tout oppose.
Le dénouement, puisqu’il en faut un, est aussi beau, profond et chargé d’émotions que l’intro de If you wait too long. J’anticipe la question que je vois poindre sur vos lèvres : faut-il aimer le jazz et connaître cette musique pour apprécier le roman de Samuel Sutra ? Je concède que je l’ai d’autant plus apprécié que j’ai été moi-même bercé dans cet univers musical et oui, j’étais heureux de retrouver certains noms de musiciens célèbres, de standards du jazz. Mais c’est avant tout un polar écrit avec une énorme sensibilité, j’ai aimé à la folie les personnages dont je me suis construit un portrait dans ma petite tête. Quand la musique et l’écriture se donnent rendez-vous et qu’elles fusionnent, cela donne Kind of Black, polar magistral et partition géniale.
Kind of Black
Samuel Sutra
Éditions Terriciaë, 2013