Un vide à la place du coeur - Alicia Giménez Bartlett
/image%2F0694939%2F20140126%2Fob_85d92a_512gethzjvl-aa160-un-vide-a-la-place-du-coeur-1.jpg)
Rédiger une chronique entièrement défavorable n’apporte pas grand-chose. Certains d’entre vous pensent ainsi. Et je partage globalement cette opinion.
Si j’ai tenu à écrire une chronique sur ce titre, c’est parce que cette auteure espagnole est éditée chez Rivages/Noir. Il s’agit de la septième enquête du duo Petra Delicado/Fermin Garzón, les six premières ayant été publiées chez le même éditeur. Ce n’est donc pas un premier roman et la maison d’éditions est connue pour l’excellente qualité d’ensemble de sa production noire. Alors, où est l’erreur ? Ai-je choisi un mauvais numéro, le 797 ? Il se peut mais j’en doute. Car la quatrième de couverture est enthousiasmante, elle donne envie. La voici : Petra Delicado ne pensait pas que le simple fait d’aller aux toilettes dans un centre commercial serait si lourd de conséquences : une petite fille en profite pour lui voler son sac à main, et surtout le pistolet qu’il contient. Si les collègues de l’inspectrice jugent l’affaire carrément risible, Petra, elle, se demande avec angoisse entre quelles mains a pu tomber son arme. Elle ne tarde pas à le savoir quand on découvre, dans le quartier de Gracia, le corps d’un étranger non identifié. Une balle tirée par un Glock lui a explosé les parties génitales. Une balle tirée par un Glock du même modèle que celui de Petra. Rongée par la culpabilité, l’inspectrice se lance sur la piste de la petite voleuse, avec pour seul point de départ la photo de l’enfant, trouvée dans les archives d’un centre d’accueil pour mineurs…
Honnêtement, pour le curieux que je suis et que nous sommes, c’est pas mal comme mise en bouche, non ? Il y a matière à construire une intrigue noueuse, tortueuse, un vrai bon polar.
Et bien non. Je vous assure que la pêche au brochet au son du bugle dans le canal Saint-Martin un soir de pleine lune est infiniment plus passionnante.
Moi, je ne sais pas, mais quand vous faites équipe depuis tant d’années avec le même partenaire, vous l’appelez toujours par son grade ? Cela donne des dialogues ponctués systématiquement par :
« - Je ne sais pas, inspectrice.
- Comment, vous ne savez pas, inspecteur adjoint ? »
Mais s’il n’y avait que cela…Le verbe acquiescer au passé simple, le plus souvent à la troisième personne du singulier « il acquiesça » ou à la première personne « j’acquiesçai » vous fera grincer des dents et hantera vos nuits. La forme est donc lourde, pesante et indigeste.
Je ne trouve qu’un seul adjectif pour qualifier le fond : C’est mauvais, très mauvais. Les dialogues entre nos deux compères sonnent creux. L’inspectrice Delicado nous offre tout au long des 432 pages sa vision du mariage (mariée et divorcée à deux reprises), nous vante les avantages du célibat et de la solitude à grands coups de lieux communs ; elle est aussi l’oreille attentive des déboires sentimentaux des membres de son équipe ou des projets d’installation de ceux-ci. Forte de son expérience dans ce domaine, elle conseille, met en garde ou encourage selon les cas. Elle-même va rencontrer au cours de cette enquête particulièrement « pénible » et « éprouvante » (pour qui ?) un homme, marié deux fois lui aussi, père de trois ou quatre mômes, je ne sais plus mais cela a vraiment peu d’importance. Cet homme, Marcos de son prénom, elle l’appelle à chaque fois que l’enquête marque un pas de plus dans la cruauté et la barbarie. Et il est toujours disponible, le mec ; dans la demi-heure, il est là et sous les draps satinés, lui fait oublier ses cauchemars et pressentiments néfastes. Marcos est fondamentalement différent de ses deux premiers maris à tel point qu’elle envisage de convoler une troisième fois en justes noces.
Je n’ai vraiment pas le sentiment de vous entretenir d’un polar, mais, croyez-moi, ce n’est pas chose aisée. L’enquête va rapidement s’embourber, mauvaises pistes, mauvais tuyaux, indics pas fiables au point que notre duo de choc se retrouve dans une impasse totale et que l’inspectrice menace de donner sa démission.
Depuis longtemps, le lecteur que je suis a renoncé à comprendre dans quelle galère il est emmené. Et puis, un détail, une toute petite étincelle et l’enquête est bouclée en deux pages. A ce moment précis, je me suis dit que le plus pénible était derrière moi mais détrompez-vous ! Il restait l’épilogue dont je me remets à peine.
De la page 405 à 432, vous assisterez au mariage de Yolanda, une agent de police qui a participé à l’enquête, à celui de l’inspecteur-adjoint, Fermin Garzón et last but not least à celui de l’inspectrice Petra Delicado avec le prénommé Marcos. Description des tenues des mariés, du buffet, les discours du commissaire et j’en passe.
Je m’étais fait la promesse que si j’arrivais au bout de ce polar, j’en ferais une chronique. C’est fait et j’attends sereinement les retours éventuels des inconditionnels de Alicia Giménez Bartlett sur les ramblas de Barcelone. C’est effectivement dans la capitale catalane que se situe l’action de « Un vide à la place du cœur ».
Sur la quatrième de couverture, l’éditeur nous dit ceci : « Alicia Giménez Bartlett aborde des thèmes d’une grande noirceur, mais évite la surenchère, préférant la finesse d’observation et l’humour cinglant. Plus pétulante que jamais, Petra vieillit avec son époque, revendique sa liberté de ton et d’action, et s’affirme comme l’une des héroïnes marquantes de la littérature policière contemporaine. »
La goutte qui fait déborder les vases car j’en avais déjà rempli cinq au cours de ma lecture.
Un vide à la place du cœur
Titre original : Nido Vacio
Alicia Giménez Bartlett
Traducteurs : Olivier Hamilton et Johanna Dautzenberg
432 pages
Rivages/Noir 2010