Yellow birds - Kevin Powers

Publié le par Jean Dewilde

Yellow birds - Kevin Powers

J’ai surtout écrit ce livre seul, tels sont les premiers mots de Kevin Powers dans les remerciements à la fin de Yellow Birds. Une œuvre intérieure et puissante qui m’a mis vraiment mal à l’aise tant elle est bouleversante et m’a bouleversé. L’auteur est un ancien d’Irak, il y a combattu en 2004 et 2005, il en est revenu vivant, il serait peut-être plus pertinent de s’interroger s’il pourrait jamais en revenir.

Quatrième de couverture : Bartle, 21 ans, est soldat en Irak, à Al Tafar. Depuis l’entraînement, lui et Murph, 18 ans, sont inséparables. Bartle a fait la promesse à la mère de Murph de le ramener vivant au pays. Une promesse qu’il ne pourra pas tenir…Murphy mourra sous ses yeux et hantera ses rêves de soldat et, plus tard, de vétéran. Tous deux font partie du régiment conduit par le sergent Sterling.

Ce livre est saisissant, il y règne une tension extrême et permanente que l’on pourrait ramener à ce seul mot, la peur. La peur de mourir mais comment ? Dans des souffrances atroces ou d’une seule balle en plein milieu du front ? Une peur insidieuse qui régit les moindres gestes, qui se glisse dans les vêtements comme la poussière du désert et qui s’insinue dans tous les pores de l’épiderme. Entre les combats, il y a l’attente et l’attente est désespérante parce qu’elle se nourrit d’espoirs, l’espoir de ne pas être la prochaine victime, l’espoir de rentrer chez soi. L’attente ne repose que sur du sable, elle est peut-être leur pire ennemi. Elle distrait, amoindrit la vigilance, rend vulnérable.

Ce livre n’est pas une autobiographie en ce sens que l’auteur affirme que le soldat Bartle, le soldat, Murphy, son ami et leur chef, le sergent Sterling n’ont pas de lien direct « avec les hommes que j’ai connus ». Mais ce qui est sans aucun doute possible le fil rouge de l’auteur, c’est l’incompréhension, l’ébahissement de se trouver là, dans ce merdier irakien, à commettre des atrocités au nom d’il ne sait quoi.

Le livre alterne des passages de Bartle revenu au pays et ses récits de combats ou l’attente de ceux-ci. Pas une once d’héroïsme ou de patriotisme. Juste un constat :

« Je ne mérite la gratitude de personne, et en vérité les gens devraient me détester à cause de ce que j’ai fait, mais tout le monde m’adore et ça me rend fou.»

« …car il n’y avait aucune excuse pour tuer des femmes, ou même regarder des femmes se faire tuer, ou tuer des hommes pour les mêmes raisons, leur tirer dans le dos, leur tirer dessus plus de fois que nécessaire afin de s’assurer de les avoir vraiment tués... »

« …Tu savais qu’il n’y avait aucune raison pour faire ce que tu étais en train de faire, puisque c’est quelque chose qu’on t’a appris toute ta vie, pourtant tu as continué, et à présent même ta mère est ravie et fière parce que tu as su viser, parce que grâce à toi des gens se sont écroulés pour ne plus jamais se relever,… »

Qui parmi nous n’a jamais pensé qu’il fallait du courage pour partir à la guerre ? Kevin Powers assène le coup de grâce quand Bartle dit : « …parce que tu es un lâche et, en vérité, c’est la lâcheté qui t’a mis dans ce pétrin parce que tu voulais être un homme… » « …et, au fond de toi, tu sais que tu y es allé parce que tu voulais être un homme, et cela n’arrivera jamais désormais, parce que tu es trop lâche… » Boucle bouclée.

Kevin Powers est né à Richmond, Virginie. Diplômé en littérature, il a obtenu une bourse en poésie auprès de l’université d’Austin, au Texas. Ce premier roman sur cette guerre dont il fut acteur est écrit dans un style littéraire empreint de poésie et, ma foi, le sujet et la façon de le traiter vont fort bien ensemble.

Un coup de gueule cependant : ce très beau texte aurait mérité, par moments, d’être servi par une traduction moins approximative et pourtant ils s’y sont mis à deux.

Yellow Birds

Kevin Powers

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson

240 pages

Le livre de Poche (2 avril 2014)

Publié dans autres

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L
il m'a l'air impressionnant ce bouquin, je me le note! quant à son explication sur les raisons qui pousse un homme à partir à la guerre je la trouve terriblement juste de vérité !
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J
Je suis bien d'accord avec toi, une raison que l'on pourrait estimer simpliste mais qui a poussé et poussera encore des milliers de jeunes gars à s'engager. Comment imaginer l'enfer sur terre si l'on n'y a pas été ? Amitiés, mon très grand.