Adieu demain - Michaël Mention

Publié le par Jean Dewilde

Adieu demain - Michaël Mention

Il n’y a pas que les écrivains qui connaissent l’angoisse de la page blanche. Ce même sentiment ne me quitte pas depuis que j’ai refermé Adieu demain. Pour tout vous dire, c’était déjà le cas avec Sale temps pour le pays. Et je n’en avais pas fait la chronique. Cette fois, tant pis pour vous, ça prendra le temps que ça prendra, mais je ne lâcherai pas le morceau. Question d’hygiène cérébrale, il me faut mettre des mots pour éviter des maux, c’est aussi simple que cela.

La quatrième de couverture ne dévoile rien, je vous la retranscris telle quelle.

Vingt ans se sont écoulés depuis l’arrestation de l’éventreur du Yorkshire. Un nouveau tueur sévit dans le nord de l’Angleterre. Les victimes sont des femmes transpercées par des carreaux d’arbalète. Pour Mark Burstyn, promu au grade de superintendant, le cauchemar recommence. Il a cependant un atout : l’inspecteur Clarence Cooper, un jeune flic aussi obsessionnel que lui. La police n’a pas droit à l’erreur et, pour stopper le meurtrier, Cooper est prêt à tout, même à devenir quelqu’un d’autre.

Un des points forts de ce polar/roman noir est que nous le lisons sous différents angles simultanément. Un peu comme si des caméras étaient fixées aux quatre extrémités des pages. A vous de choisir l’angle qui vous convient le mieux. Je ne conseille pas l’ouvrage à ceux qui l’achèteraient en pensant qu’il s’agit d’un thriller pur jus. Il convient certes d’arrêter un tueur en série mais ce n’est là qu’un versant du roman. Si Burstyn et Cooper sont les deux principaux protagonistes, il faut y ajouter un troisième, omniprésent : la peur, la peur de tout et de rien et les phobies, déclinées dans un camaïeu aux nuances infinies. Si la peur est une manifestation le plus souvent salutaire, les phobies de toutes sortes constituent pour ceux qui en souffrent un handicap vertigineux, souvent insurmontable. Ainsi, saviez-vous que l’angoisse de la page blanche chez un écrivain se nomme la leucosélophobie. Soit.

Burskyn et Cooper sont des personnages obsédés, hantés par la peur de l’échec. Burskyn, déjà fragilisé par la mort de George Knox dans Sale temps pour le pays, n’en finit plus de chercher le propriétaire de la voix figurant sur la cassette audio envoyée à l’époque à George Knox. Cooper, lui, sur ordre de son supérieur, s’engage dans une voie qui va l’emmener aux confins de la folie et de l’angoisse absolue.

Le rythme imprimé par l’auteur est impressionnant. On s’accroche au tempo, à cette cadence quasi frénétique qui nous pousse à tourner les pages. Addictif et obsédant comme le sont les personnages. Le climat est pesant, l’atmosphère envoûtante.

Et pourtant, J’ai refermé et reposé le livre avec un sentiment mitigé. Je suis sans doute trop cartésien. Si le personnage du superintendant Mark Burstyn traverse le roman avec une cohérence et une consistance en tous points remarquables, je suis nettement moins convaincu par le personnage de l’inspecteur Clarence Cooper. Certes, la mission d’infiltration qui lui est imposée est délicate, d’aucuns diraient psychologiquement dangereuse et psychiquement toxique ; mais à trop lui en faire faire ou lui faire subir, il perd en crédibilité. Et ce n’est pas le final qui va rattraper cela, un final complètement invraisemblable et rocambolesque dont l’auteur s’explique par ailleurs dans l’épilogue. Il justifie ses choix de narrateur, fort bien. Et s’il est vrai que le romancier peut diriger ses personnages là où il veut, les broyer, les cajoler, les écraser ou les épargner, le lecteur a lui aussi le choix d’adhérer ou non à ces mêmes choix. Et moi, je n’ai pas pu. Dommage.

Je me suis longtemps interrogé sur ce titre mystérieux : Adieu demain. Est-ce cela que l’auteur veut nous signifier quand il écrit « plus les choses changent et plus elles restent les mêmes » ? Demain ressemblerait-il à aujourd’hui auquel cas, effectivement, le futur n’a plus de raison d’être ?

Adieu demain

Michaël Mention

Éditeur Rivages (12 mars 2014)

Collection : Rivages/Noir

375 pages

Publié dans Le noir français

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