L'avocat, le nain et la princesse masquée - Paul Colize

Publié le par Jean Dewilde

L'avocat, le nain et la princesse masquée - Paul Colize

C’est au détour d’une conversation, vraisemblablement à La Foire du Livre de Bruxelles que Paul Colize m’avait confié l’idée maîtresse de ce roman : un type qui passe une soirée très arrosée avec une créature torride et qui se réveille le lendemain ou plutôt qui est réveillé par des coups de sonnette insistants à la porte de son appartement. Gueule de bois, barre à mine à la place du front, il se traîne jusqu’à la porte pour se retrouver face à deux inspecteurs de police. Il ne sait plus comment il est rentré chez lui et il apparaît que la créature torride a été assassinée. C’est embêtant…De là à créer une fiction romanesque, cela me paraissait maigrelet et bien mince mais c’était sans compter sur le talent et l’imagination de l’auteur.

Paul Colize va toujours au bout de ses idées et de cette idée précisément est né L’avocat, le nain et la princesse masquée. Après le formidable Back up en 2012, récompensé par le prix Saint-Maur en poche 2013 – vous avez certainement encore devant vos yeux cette fabuleuse couverture – et le non moins enthousiasmant Un long moment de silence en 2013 couronné par le prix Landerneau Polar 2013, Prix Boulevard de l’Imaginaire 2013 et Prix Polars Pourpres 2013, l’auteur nous plonge dans un registre totalement différent, beaucoup plus léger certes mais toujours avec cette même qualité d’écriture irréprochable.

Hugues Tonnon est avocat au barreau de Bruxelles. Spécialisé dans les affaires de divorce et de séparation délicates, un business juteux s’il en est, il voit débouler un après-midi dans son cabinet une furie répondant au patronyme de Nolwenn Blackwell, un top model belge. Elle n’a qu’une idée en tête : ruiner Amaury Lapierre, de trente ans son aîné, surpris par un paparazzi dans les bras d’une nymphette tropézienne. Humiliée, bafouée, ridiculisée, la Nolwenn. Le montant de ses honoraires fixé, Hughes Tonnon prend l’affaire et la jeune femme à bras le corps. Un resto pour sceller l’accord, quelques verres de cognac hors d’âge chez sa cliente et puis…plus rien, le trou, pas normand mais le trou noir d’une profondeur abyssale. Un trou que vont combler deux inspecteurs de la Criminelle en sonnant chez lui tôt le lendemain matin. L’inspecteur Jean-Paul Witmeur et son collègue lui apprennent sans ménagement inutile que la starlette a été dessoudée de deux balles dans la tête. Ils savent que l’avocat est le dernier à l’avoir vu vivante. Pour ajouter à la confusion de notre avocat, Witmeur connaît Tonnon et inversement. Lors de son divorce, Tonnon a ruiné Witmeur en l’obligeant, légalement s’entend, à s’acquitter des frais de chirurgie esthétique pour l’opération visant à fournir à son épouse deux beaux seins siliconés. Déjà qu’il est mal barre, notre avocat et il doit se farcir en plus un enquêteur qui a une dentition entière contre lui. Je vous entends murmurer dans le lointain : « C’est du Colize, ça ? ». Dois-je répondre ?

Tonnon comprend très vite qu’il doit prendre la poudre d’escampette pour élucider le meurtre de la belle, la venger et donc découvrir le ou les coupables. Je ne vous l’ai pas encore dit, mais il y aura d’autres meurtres, curieusement dans les villes où Tonnon est de passage, ce qui apporte de l’eau au moulin de l’inspecteur Witmeur qui n’en demande pas tant.

Mais en définitive, c’est mon avis qui vous importe et pas mon bavardage intempestif. Le titre à lui seul est un indice. L’avocat, le nain et la princesse masquée, ça sonne drôle, gai et déluré, non ? Pardon ? Vous dites ? Le pavillon des cancéreux ? Non, ce n’est pas du même auteur. Croyez-moi, il y a des emmerdeurs ! Reprenons, donc…Bon sang, ces interruptions nuisent à la fluidité de mon propos. Comment ? De quel livre parlez-vous ? Les chauves qui ne voulaient pas l’être ? Non, ce n’est pas de lui non plus !

Mon compatriote, hé oui, fier je suis, démontre avec ce titre qu’il est aussi à l’aise dans un registre plus léger. Hugues Tonnon est un ténor du barreau, cynique et sans pitié pour ses confrères qui ont le malheur de croiser le fer avec lui. Avec les tuiles qui lui tombent sur la tête, sa fuite éperdue, ses rencontres aléatoires avec des personnages qu’il n’aurait jamais croisés en temps normal, il perd de sa superbe, de son arrogance et, phénomène aussi extraordinaire et imprévisible dans son chef, il se découvre une humanité et une sensibilité qui le déroutent autant que le lecteur.

Comme à l’accoutumée aurais-je tendance à écrire, Paul Colize maîtrise sa partition. Il semble connaître à la perfection les différents lieux où l’intrigue le mène ; Bruxelles, Paris, je le suis sans difficulté mais je perds résolument sa trace à Johannesburg, à Casablanca et davantage encore quand il fait passer Hugues Tonnon du Maroc en Algérie à dos de mulet. En plein roman d’aventure, mais où est Tintin ?

Amateurs de frémissements et frissons en tous genres, passez votre chemin. L’auteur s’est fait plaisir et nous fait plaisir en nous offrant cette comédie policière, n’y voyez rien de plus. Mais une comédie de très grande qualité car faire rire et sourire est beaucoup plus difficile que de foutre les jetons à force de phrases sanguinolentes usées jusqu’à la trame du jean que je porte aujourd’hui.

Là où l’auteur a presque réussi à me faire monter les larmes aux yeux, c’est dans cette explication finale entre Hughes Tonnon et Jean-Paul Witmeur. Une soudaine explosion de spontanéité, une gerbe d’émotions, des étincelles de bonheur. Et j’ai vraiment envie de lui dire : « Paul, lâche-toi plus souvent ! ».

Voici les liens vers Back up http://jackisbackagain.over-blog.com/article-back-up-paul-colize-113767809.html et Un long moment de silence http://jackisbackagain.over-blog.com/2014/07/un-long-moment-de-silence-paul-colize.html

L’avocat, le nain et la princesse masquée

Paul Colize

La manufacture de livres

Mai 2014

Publié dans Le noir belge

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J
Bonjour Vincent,<br /> Effectivement, un changement de cap radical avec ce roman. J'ai lu, vu ou entendu que Paul sort sous peu un nouveau roman qui s'intitulerait "Concerto à quatre mains" mais je n'en sais pas plus. Amitiés.
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V
Quelle chronique, mon ami Jean! Tu as été conquis par cette facette de M. Colize que, moi non plus je ne connaissais pas sous ce jour. J'ai beaucoup aimé ce roman, qui nous change de son univers habituel.<br /> Amitiés.
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