Marche ou greffe! - Olivier Kourisky

Publié le par Jean Dewilde

 

Voici un polar qui ravira tous les amateurs du genre et j’en suis. L’auteur n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il écrit avec Marche ou greffe ! son neuvième roman mais c’est le premier dont j’ai le plaisir d’écrire la chronique. Médecin néphrologue et directeur du service de dialyse-néphrologie de l’hôpital d’Évry, il connaît sur le bout des doigts le domaine dans lequel il développe son intrigue. Car c’est bien d’une transplantation rénale qu’il s’agit dans Marche ou greffe !

Séverine Dombre est responsable d’un service de transplantation rénale dans un grand établissement parisien. Fille unique, née en 1970, elle a perdu son père alors qu’elle n’avait que deux ans et sa mère dix-huit ans plus tard d’un cancer. Elle n’a jamais quitté l’appartement de son enfance rue La Fayette. C’est un peu par accident qu’elle s’est retrouvée enceinte de Vincent, son fils qui a aujourd’hui seize ans et qui, fait rare à l’époque, avait été confié à son père, Michel Chaumey, assureur de son état. Séverine n’avait ni le temps ni l’envie de s’embarrasser d’un mioche, seule comptait pour elle son ascension professionnelle.

Elle ne le sait pas mais sa vie bascule lorsque se présente à sa consultation un trio peu loquace. Un homme manifestement malade, entouré de deux malabars avec pour seule demande, non négociable, la greffe d’un rein. Monsieur Dibra ne parlant pas français, la traduction est formulée par ses interprètes. Séverine a beau faire, elle leur explique, sèchement d’ailleurs, que la greffe est un acte médical très strictement réglementé en France, elle leur expose le coût exorbitant d’une transplantation rénale et les risques inhérents à la greffe d’organes sans oublier d’évoquer le délai d’attente et la rareté d’un donneur compatible, rien n’y fait. L’argent ne semble pas constituer un frein et le donneur, c’est à croire qu’ils l’ont sous la main.

Contre toute attente, les examens préliminaires sont effectués dans un laps de temps record, tous les documents légaux sont produits, le passage devant un comité d’éthique ne soulève aucun problème particulier, il est même raisonnablement envisageable que le patient, Monsieur Dibra soit greffé avant de devoir être dialysé. Séverine, sidérée dans un premier temps par l’arrogance et l’aplomb des accompagnateurs de Monsieur Dibra, fait rapidement l’objet de menaces à peine voilées. Des événements troublants se produisent, le vol de sa carte bleue dans une grande surface, l’assassinat en plein jour et sous ses yeux d’un technicien de laboratoire. Séverine comprend qu’elle est tombée dans les filets d’un gang mafieux albanais et qu’elle n’a qu’une option : tout faire pour que cette greffe réussisse.

La vie est ainsi faite qu’elle nous fait parfois commettre des actes qui pourraient être qualifiés de déplacés ou décalés au vu des circonstances. C’est effectivement au plus fort des tensions et de la pression que Séverine emmène son fils Vincent pour le week-end de l’Ascension sur les plages du débarquement. Séverine découvre en Vincent un ado tout en finesse, intéressé, voire passionné. Le dimanche, elle lui annonce qu’elle aimerait beaucoup faire un crochet pour se rendre dans le village où ses grands-parents et parents ont vécu. Jusque là, elle n’en avait jamais ressenti l’envie et le besoin Elle s’attendait au minimum à un « pas envie » ; Vincent, au contraire, est tout bonnement enchanté. Ce qu’ils apprendront à Delaiseville est tout simplement tragique, ahurissant. Mère et fils rentrent sur Paris, Vincent sans aucun doute le cœur plus léger que sa mère. 

Séverine découvre sur le tard cet amour maternel pour son fils. Quand Vincent est enlevé quelques jours après leur périple en terre normande, elle est complètement anéantie et coincée en ce sens que les ravisseurs lui intiment de ne pas alerter la police. Elle a d’ailleurs ordre de n’en parler à quiconque. La police pourtant enquête sur le meurtre du technicien de laboratoire évoqué plus haut et sur le meurtre d’un jeune Albanais. Celles et ceux qui suivent les polars du docteur K. connaissent le commandant Claude Chaudron et son équipe. Une équipe qu’on sent soudée et bien rôdée.

De nombreux thèmes chers au roman policier se retrouvent dans ce seul Marche ou greffe ! Meurtres ou exécutions, enlèvement ou prise d’otage, chantage, trahison, vengeance. L’auteur manie et manipule tous ces ingrédients avec une apparente aisance, une facilité déconcertante avec pour effet immédiat, un roman très fluide, très homogène. A aucun moment, comme cela peut arriver parfois, le lecteur ne doit aller voir en arrière pour comprendre ou s’assurer d’un élément, d’un fait. C’est évidemment la griffe d’un auteur qui maîtrise son sujet que de nous offrir un texte aussi lumineux, clair et limpide.

A un moment ou l’autre, le lecteur se demandera en quoi les événements dramatiques qui ont marqué le petit village de Delaiseville en juin 1944 pourraient avoir un lien avec l’intrigue qui se déroule en plein Paris en 2017. Je ne vous donne pas la clé, bien sûr mais la révélation vous fera à peu près le même effet qu’une gifle sur l’oreille et ça fait très mal, une gifle sur l’oreille.

L’auteur a choisi d’affubler les deux hommes de main albanais des sobriquets de Blue Ice et Dark Ice, en rapport à leur couleur d’yeux. Plus exactement, c’est à l’esprit de Séverine que viennent ces surnoms lors de sa première rencontre avec les mafieux. J’aurais préféré qu’ils soient nommés par leurs prénoms, respectivement Ditmir (Mikullova) et Sukalem (Daci). Puisque ce sont des ordures, autant ne pas les personnaliser avec ces alias certes sympathiques mais totalement superflus.

Je referme cette chronique en vous recommandant la chronique follement  enthousiaste de Pierre Faverolle : (https://blacknovel1.wordpress.com/2018/02/14/marche-ou-greffe-dolivier-kourilsky/).

 

Marche ou greffe !

Olivier Kourilsky

Éditions Glyphe 2018

Publié dans Le noir français

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