Fucking Business - Do Raze - HC Éditions

Publié le par Jean Dewilde

 

Et si pour une fois je commençais par la quatrième de couverture.

Il est tueur à gages corporate. Ses clients sont des entreprises. Ses victimes des entrepreneurs trop inspirés, des ingénieurs trop brillants, des talents trop menaçants. Ses méthodes sont infaillibles, sa vie est volontairement aseptisée, froide et chirurgicale. Il vit dans l’ombre de notre monde, celui que l’on croit connaître, mais dont on ne mesure pas le cynisme. Lui sait. Il voit ce que l’on ne voit pas, il travaille pour ceux qui dirigent. Il tue pour ceux qui décident. Mais alors qu’il s’apprête à éliminer sa trente-cinquième victime, tout bascule. Le système qu’il croyait si bien connaître commence à se fissurer. Dans son monde, on l’appelle Bleu.

Roman visionnaire ? Roman d’anticipation ? A tout le moins un roman glaçant par son cynisme. Ce que j’écris n’est pas exact car le cynisme se pare d’un mépris et d’un refus des normes en vigueur. Le cynisme induit des émotions. Or, les émotions n’ont pas de place, elles n’existent pas dans le monde tel que dépeint par l’auteure. Le pragmatisme est la seule valeur de référence : un problème, une solution.

Ce qui est intéressant, c’est évidemment le parcours professionnel de Do Raze. Je lis qu’elle a travaillé pendant plus de vingt ans dans des agences de communication et qu’elle est aujourd’hui en charge des sujets e-réputation dans un grand groupe français. Les concepts d’e-notoriété et d’e-réputation sont assez récents mais occupent désormais une place essentielle dans les entreprises. L’e-notoriété est la visibilité, la présence d’une entreprise sur le Web, l’e-réputation a trait à l’opinion, la réputation sur le Web de cette même entreprise.

Bleu, le tueur à gages corporate que nous suivons dans ce thriller est un homme d’expérience. A quarante-huit ans, il ne tue plus depuis des années, au sens physique du terme. Dans ce milieu très fermé, on ne naît pas tueur, on le devient. Exit les fanatiques, sadiques et autres psychopathes. La maîtrise de soi doit être totale. Bleu tue socialement, professionnellement, psychiquement. En langage commercial, on dirait que c’est sa marque de fabrique, son label. Ce qui est rassurant dans le livre de l’auteure, et je n’entame en rien le suspense et la dynamique de l’intrigue, c’est que la maîtrise de soi a ses limites. Les limites, en l’occurrence, sont incarnées par les recrues que les tueurs patentés forment pour assurer la relève. Ces futurs tueurs potentiels sont appelées shadows, l’ombre, la doublure. Avant de commencer un apprentissage long et fastidieux, ils auront renoncé au préalable à leur identité, leur présent et leur passé. La seule perspective est la promesse de pouvoir tuer un jour. Peu d’appelés et encore moins d’élus. Sachez encore qu’une recrue ne sait jamais qu’elle est en train d’en devenir une. En effet, le mentor va observer la recrue à son insu, la mettre à l’épreuve, la tester, évaluer sa résistance, son habileté, sa discrétion. Il ne validera son choix que quand il aura estimé que la recrue présente toutes les qualités requises et les garanties nécessaires. Dans cet univers singulier, se tromper est une faute professionnelle et les conséquences peuvent être fatales.

Le choix de Bleu se porte sur Camille, dix-huit ans, une jeune femme travaillant dans un bar paumé le long d’une nationale quelque part en France. Une rencontre qui doit tout au hasard. Bleu remonte d’Espagne après avoir bouclé un contrat particulièrement exigeant. C’est la fatigue qui lui impose de s’arrêter, pas la beauté du lieu. Il est le seul client. Quelque chose de puissant et d’indéfinissable passe entre eux, une tornade magnétique.

-  Pourquoi quelqu’un comme vous reste ici, dans ce trou comme vous l’appelez ?

- Oh, mais je n’y resterai pas. J’attends, c’est tout.

- Et vous attendez quoi ?

- Que la vie passe me prendre.

Réponse sublime que ce Que la vie passe me prendre. Leurs destins sont désormais scellés. Sept ans ont passé depuis leur première rencontre. Bleu est chargé d’un nouveau contrat ; c’est avec Camille devenue Shadow qu’il va bosser sur sa nouvelle cible, Sacha Le Prieur. L’occasion pour Bleu de tester sa recrue, de la mettre à l’épreuve. Quelle approche préconise-t-elle ? Quelle mort lui semble la plus adaptée, mort sociale, mort professionnelle, mort psychologique ? Les événements vont prendre une tournure que le plus visionnaire des tueurs à gages corporate n’aurait pu voir venir. Ce qui inspire à Bleu ces réflexions sur le métier et vous permet en même temps de découvrir la très belle plume de l’auteure.

Rupture générationnelle. Voilà de quoi mes confrères et moi étions victimes. La chaîne de transmission de valeurs qui prévalait depuis des décennies s’était brisée après nous. Et nous n’avions rien vu. Ou rien voulu voir. Rois trônant si haut que nos pieds ne touchaient plus la terre où grandissaient nos descendants. Nous étions si convaincus de l’importance de notre legs que nous le brandissions comme une bannière, certains que nos héritiers la suivraient, et nous avions oublié de nous retourner pour nous en assurer. Or, tout ce que nous représentions était devenu l’antipode de ce à quoi les jeunes tueurs aspiraient. Nous étions discrets, ils aimaient jouer. Nous étions solitaires, ils préféraient réseauter. Nous étions obéissants, ils voulaient décider.

Vous l’aurez compris, même le milieu des tueurs à gages corporate n’échappe pas à une querelle entre Anciens et Modernes. L’auteure le précise en fin d’ouvrage, le métier de tueur corporate, à sa connaissance, n’existe pas. Elle s’empresse cependant d’ajouter que, je cite : ma touche de fiction n’est à certains moments pas plus épaisse qu’un voile de soie. Et je la crois volontiers.

Je ne serais pas tout à fait honnête si je vous disais que ce roman est parfait. J’ai trouvé dommage que ces tueurs hors norme se noient, se perdent et s’affadissent dans des règlements de comptes somme toute fort banals et conventionnels. Ils méritaient un final un peu plus à l’image de leurs immenses capacités. Mais peut-être l’auteure a-t-elle voulu nous montrer qu’ils ne sont en réalité rien d’autre que de vulgaires malfrats. Car, c’est vrai, Bleu, Shadow ou Vercors exercent une véritable fascination sur le lecteur qui en oublie ce qu’ils sont réellement. Alors, oui, pourquoi pas les faire tomber de leur piédestal.

Mais ne boudons pas notre plaisir. La thématique est formidable, les personnages le sont tout autant. L’écriture, fluide, lumineuse et vive ajoute au bonheur de lecture. La classe !

 

Fucking Business

Do Raze

Hervé Chopin Éditions (avril 2018)

 

Publié dans Le noir français

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