Radiations – Paul Merault – Éditions Lajouanie juin 2019

Publié le par Jean Dewilde

 

Je ne savais pas trop dans quoi je m’embarquais en commençant ce bouquin. En toute franchise, je n’ai pas eu à me poser la question bien longtemps. Le premier chapitre, très court mais incisif, vous ôte toute envie de refermer le livre. Aller jusqu’au bout avec ou sans pause sandwich est le seul choix que vous propose l’auteur.

L’accident nucléaire de Fukushima n’a pas laissé que des traces physiques. L’explosion a engendré son lot de déflagrations psychologiques. Yoko, pianiste star de l’orchestre de Tokyo, n’est pas sortie indemne de l’événement. Sa schizophrénie lui désigne l’État japonais comme unique responsable de la catastrophe. Est-elle pour autant devenue la terroriste qui menace de s’en prendre aux intérêts français et va jusqu’à menacer Jacques  Maurel, un expert parisien du nucléaire  ? Ou bien n’est-elle qu’une victime collatérale d’une mouvance incontrôlable menant une guerre sans merci à tout ce qui tourne autour de l’atome  ?

Prendre la catastrophe de Fukushima comme sujet de polar pouvait s’avérer piégeux. Pour rappel, cet accident nucléaire majeur s’est produit le 11 mars 2011 et trouve son origine dans un séisme suivi d’un tsunami qui a mis hors service le système de refroidissement principal de la centrale. Huit ans se sont écoulés depuis le drame mais les blessures physiques et morales ne sont toujours pas refermées en dépit de la très grande résilience du peuple japonais. Il n’est donc pas étonnant que toutes sortes de mouvements anti-nucléaires plus ou moins violents aient vu le jour au lendemain de la catastrophe.

Paul Merault a brillamment évité l’écueil que pouvaient constituer une émotion et une mémoire encore vives. Huit ans, ce n’est vraiment pas beaucoup eu égard à l’ampleur du drame. Pas de voyeurisme, pas de lamentations. Ce qu’il raconte de Fukushima est factuel et c’est au travers du regard et des émotions de ses personnages japonais que le lecteur découvre la souffrance, le deuil, la colère et la révolte. Yoko en est un exemple : pianiste vedette de l’orchestre philharmonique de Kyoto, l’envie de vivre l’a quittée en même temps que disparaissaient sa sœur Irina et son frère Hiro. Le courage, c’est Aya, la petite fille de sa sœur décédée qui le lui donne. Une relation salvatrice mais qui rend la perte plus insupportable encore sans compter les cauchemars qui la hantent et qui reviennent sans cesse, aléatoires et destructeurs.

Elle n’avait plus la force de se battre. Comment donner vie à la musique quand on n’est plus que l’ombre de soi-même ? Quand on n’a plus de racines ? Autour d’elle, les cimes des arbres encore debout ne touchaient plus le ciel. Les branches porteuses de radioactivité avaient été coupées. Évacuée, avec des milliers d’autres, sans espoir de retour, Yoko, la réfugiée, se sentait, elle aussi, amputée.

Mais qui se cache derrière les attentats qui se multiplient dans la capitale japonaise ? Des attentats perpétrés avec professionnalisme, sang-froid et une audace qui fait froid dans le dos. Les services secrets japonais identifient les auteurs comme appartenant à une organisation terroriste qui se fait appeler L’Empire du Fugu, le fugu étant un poisson très venimeux fort prisé des Japonais.

Le scientifique français Jacques Maurel, expert en sécurité nucléaire, est venu au Japon à l’invitation des autorités pour évaluer les possibilités de relancer la centrale de Fukushima. Son apparition au journal télévisé local va lui valoir de dangereuses inimitiés.

Ce dont aucun des protagonistes ne semble se douter, c’est l’imminence d’attentats sur le sol français par des membres de L’Empire du Fugu.

L’auteur s’est clairement fait plaisir en écrivant ce polar musclé, sans temps mort. Rythmé, captivant et efficace. Les scènes d’action sont terriblement visuelles, notamment la toute première dans laquelle un kamikaze prend possession d’une rame de métro à Tokyo.

A une telle vitesse, la prochaine station ne fut qu’un trait de lumière sur les vitres. A mesure que le roulis de la voiture augmentait, il se sentait submergé par un sentiment de plénitude. Il n’avait plus de crainte. La coupure du flux électrique n’aurait aucune incidence sur l’inertie du métro.

Paul Merault est officier de police à Toulouse. Né en 1961, il a passé trente-quatre années dans la police dont vingt consacrées à la lutte antiterroriste à la Direction Centrale des Renseignements Généraux. Depuis 2011, il est le Chef de la Division police Mirail. Cette division couvre le sud de Toulouse et donc les quartiers sensibles du Mirail et d’Empalot. (270000 habitants-170 policiers).

En 2018, Paul Merault publie son premier roman Le cercle des impunis grâce auquel il est lauréat du prix du Quai des Orfèvres 2019. Si mes informations sont exactes, Le cercle des impunis s’est vendu à 140 000 exemplaires, un très beau succès de librairie.

 

Radiations

Paul Meurault

Éditions Lajouanie (juin 2019)

Publié dans Le noir français

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article