City of Windows – Robert Pobi 2020 – Equinox Les Arènes 2020
Je ne suis pas un lecteur inconditionnel de thrillers mais quand c’est bien fait, je prends. City of Windows n’est pas seulement bien écrit et construit, c’est un roman étourdissant qui vous prend à la gorge et ne vous lâche plus. Robert Pobi n’écrit pas beaucoup mais quand il le fait, il frappe fort et se permet tous les coups. En plus, City of Windows marque le début d’une nouvelle série et ça, c’est franchement une toute bonne nouvelle.
Alors que New York est paralysé par la tempête de neige la plus épouvantable de son histoire, un agent du FBI est tué au volant de sa voiture par un sniper réalisant un coup quasi impossible. Incapable de comprendre d’où le tir est parti et pressé par la tempête qui efface les preuves à grands pas, Brett Kehoe se tourne vers le seul homme capable de lui venir en aide : l’ancien agent, Lucas Page.
Professeur d’université et auteur à succès, Lucas Page a quitté le FBI dis ans plus tôt, après un tragique accident dont il est sorti grièvement blessé. Mais son talent surnaturel pour la lecture des scènes de crime de même que sa compréhension des angles et des trajectoires font de lui la seule personne susceptible de faire ce dont la puissance informatique du Bureau n’est pas capable : trouver la planque du sniper. D’autant que le meurtre s’avère rapidement n’être que le premier d’une série d’exécutions méticuleuses et planifiées avec un soin maniaque.
Une météo apocalyptique, un tireur d’exception, l’absence d’indices, tout concourt à plonger les enquêteurs fédéraux dans une course contre la montre frustrante et éreintante dont ils ne maîtrisent aucun paramètre. Ils ne savent qu’une chose et c’est loin de les rassurer. La cible, ce sont des policiers. Incapables d’anticiper les mouvements de l’adversaire, ils en sont réduits à compter les cadavres. Ce qui leur manque, c’est le mobile qui relierait les victimes entre elles. Pas le moindre début d’une petite piste malgré toute la puissance de la machine informatique. Le seul mobile apparent, c’est qu’il n’y en a pas.
Visages crispés, traits creusés, tendus à l’extrême, les enquêteurs s’intéressent à la première chose qui leur est plus ou moins accessible : les projectiles. Un par victime, quelle que soit la distance, le tireur n’a besoin que d’une balle. Les deux projectiles retrouvés sur les deux premières scènes de crime permettent d’affirmer sans aucun doute que c’est la même arme qui a servi et derrière celle-ci, le même individu. La balle a été fabriquée par Nosler et fait partie de leur gamme AccuBond, mais le noyau ferreux, c’est du fait main. La douille et le noyau ne sont pas faits des métaux habituels. C’est une combinaison rare – 91% d’acier, 7,65% de nickel et une forte concentration en iridium, à hauteur de 11,3 parties par million. Origine météorique.
Lucas Page n’a pas accepté d’emblée de reprendre le collier. Il s’est marié avec Erin, l’une des infirmières qui s’est investie dans sa longue et difficile rééducation. Ils ont adopté des enfants. Ce qui l’a décidé, c’est l’ultime argument de Brett Kehoe, l’atout qu’il gardait dans sa manche, à savoir l’identité de la première victime : Doug Hartke, son ancien équipier.
Hartke était toujours dans la voiture. Le véhicule était dissimulé par une tente, sous laquelle Kehoe avait accompagné Lucas. Il n’oublierait jamais ce qu’il y avait vu. Décapiter un être humain libérait une fontaine de sang d’une pression colossale, assortie d’un réservoir de quasiment huit litres. Dans un espace clos tel qu’une voiture, cela donnait de quoi alimenter toute une vie de cauchemars. Et Lucas avait déjà largement de quoi faire de ce côté-là.
Le côté froid, précis, quasi clinique de la narration renforce de facto le sentiment de terreur chez le lecteur comme chez les enquêteurs. Un sniper de génie qui opère depuis les toits des gratte-ciel de New York génère une angoisse particulière. Et quand les médias s’emparent de l’événement, c’est la psychose qui s’installe.
Page n’est pas seulement un analyste de génie, il est aussi capable à partir de presque rien d’esquisser le profil du tueur : …il a choisi d’opérer dans ces conditions météo. Et il a opté pour des cartouches de chasse. Ce n’est pas un petit-bourgeois avec une salle des trophées à côté de la cave à vin. Il a passé du temps au grand air. Dans le froid. Ce temps de chien, c’est son élément naturel. Il n’utilise pas de silencieux car il s’en fiche d’être entendu.
Une tension constante, une atmosphère oppressante, Robert Pobi construit son intrigue en dosant parfaitement le suspense. Les personnages ont de l’étoffe et un passé, donnant ainsi au lecteur l’impression qu’ils sont déjà apparus dans un roman précédent, ce qui n’est pas le cas. Par ailleurs, les rapports sont tendus entre certains membres de la cellule d’enquête, ajoutant encore un peu de piment et de complexité à une affaire qui n’en manque pourtant pas.
L’auteur, par la bouche de ses personnages, a réussi à fondre dans son récit et sans jamais l’alourdir des réflexions percutantes sur le deuxième amendement, l’attachement viscéral, quasi atavique des Américains aux armes à feu, les suprémacistes blancs, les mouvements religieux fondamentalistes. L’auteur dézingue aussi le FBI, capable et coupable de bien des compromissions. C’est cash et sans appel.
Je ne résiste pas à l’envie de partager avec vous la chronique de Lau Lo sur son blog Evadez-moi, http://www.evadez-moi.com/. Très bon blog, au demeurant. La raison est évidente : elle a tourné le dos aux thrillers depuis deux ans mais elle a beaucoup apprécié City of Windows. http://www.evadez-moi.com/archives/2020/01/08/37923971.html
Connaissant ses avis tranchants et tranchés, croyez-moi, c’est une sacrée référence et une franche invitation à lire le bouquin.
City of Windows
Traduit (remarquablement) de l’anglais (États-Unis) par Mathilde Helleu
Robert Pobi
Equinox/Les Arènes (janvier 2020)