La confidente – Renee Knight – Éditions Fleuve noir 2020
Voilà un roman que j’ai dévoré ! Écrit par une femme qui met en scène deux femmes comme personnages principaux. L’autrice s’appelle Renee Knight. La confidente est son deuxième roman après Révélée sorti en 2014 que je n’ai pas (encore) lu.
Suspense psychologique mâtiné de quelques scènes d’action, un genre que je n’explore pas assez car, quand c’est bien ficelé et ce l’est, c’est tout à fait passionnant et complètement addictif.
La quatrième de couverture n’en dit pas trop et c’est très bien comme cela. Pour les aficionados, la voici :
Regardez autour de vous. Qui détient le plus de pouvoir dans la pièce ? Est-ce celui qui parle le plus fort ou celui qui a le plus d’argent ?
Ou peut-être est-ce quelqu’un comme Christine Butcher : une figure douce et invisible, un témoin silencieux lorsque les informations sont partagées et les secrets murmurés.
Quelqu’un qui, tranquillement, parfois même sans le vouloir, accumule des connaissances sur ceux qu’elle est venue servir — ceux qui ne vont pas faire attention à elle.
Mais lorsque quelqu’un comme Christine Butcher est poussé à bout, elle pourrait bien devenir la personne la plus dangereuse et la plus puissante de la pièce…
Mina Appleton, après avoir poussé son père vers la sortie et qui décède dans la foulée, a repris la direction de la chaîne de supermarchés Appleton. Un changement de cap radical dans la gestion de l’entreprise. Le père Appleton s’est toujours astreint à cultiver des valeurs de respect et de considération tant dans l’entreprise que vis-à-vis des fournisseurs. Ainsi dit-il à sa fille : « Nous faisons du commerce, Mina, pas des affaires. Ce pays dépend de ses agriculteurs. Il est de notre devoir en tant que vendeurs de produits alimentaires de soutenir les hommes qui travaillent la terre. » En revanche, Mina, elle, veut faire des affaires, rivaliser avec les plus grands, pas traîner en marge de la déontologie.
Christine Butcher travaille au siège social de l’entreprise Appleton depuis six mois quand elle croise fortuitement la route de Mina. Une rencontre déterminante puisque deux semaines plus tard, Mina Appleton lui propose de devenir son assistante personnelle. Christine y voit une marque de reconnaissance et de considération et n’hésite pas longtemps. En réalité, elle accepte d’emblée.
Parce qu’elle ne mesure pas encore le temps et l’énergie que cette nouvelle fonction exigera, elle est à cent lieues de se douter des répercussions de sa décision sur le couple qu’elle forme avec Mike. Ils ont une fille, Angelica.
La confidente est un roman noir sur l’emprise. L’emprise que peut exercer un être humain sur un autre. Nous sommes tous plus ou moins influençables et donc influencés. L’emprise, c’est tout autre chose. Quand on est sous l’emprise de quelqu’un, on perd son libre arbitre, on n’est plus maître de ses choix. Ce processus de manipulation est évidemment insidieux et souvent indétectable pour celui ou celle qui en est victime. Christine, elle, est aux anges. Elle est la personne de confiance de Mina Appleton. Elle est la confidente et a le sentiment de faire presque partie de la famille. Elle se sent importante, voire indispensable. Elle sait tout de sa vie professionnelle comme de sa vie privée. Sentiment grisant qui la rend tellement vivante.
Mais bien sûr, Christine ne sait pas tout quand bien même elle vous assurerait du contraire avec une totale sincérité. Quand on est assistante de Mina Appleton, la frontière entre job et vie privée devient floue…dans un premier temps. Dans un second temps, elle se réduit à peau de chagrin et puis disparaît quasiment. Cette bascule, Christine la vit plutôt bien, convaincue qu’elle est indispensable et que sans elle, Mina serait complètement déboussolée. C’est dans cette perception fallacieuse que se niche toute la perversité de la relation.
La réussite du roman tient beaucoup au fait que Renee Knight n’a rien inventé. Certes, sa qualité de romancière l’autorise à aller très loin et au-delà mais nous sommes nombreux à avoir fait l’expérience ou à connaître quelqu’un qui a fait l’expérience d’une relation professionnelle toxique.
La personne manipulée cesse de l’être quand elle prend conscience qu’elle a été dupée et trompée jusqu’à l’os. Mais les conséquences sont souvent désastreuses : dépression, perte de confiance, repli sur soi, suicide parfois.
En s’emparant de cette thématique très actuelle, Renee Knight fait mouche. Ses personnages nous parlent et nous interpellent parce que nous retrouvons chez eux des bribes de notre propre identité et de nos propres comportements.
Au-delà des rapports entre Mina Appleton et Christine Butcher, l’autrice interroge également les pratiques de ces géants de l’alimentaire. Les supermarchés Appleton reflètent bien cette philosophie bâtie sur les seuls et sacro-saints critères du rendement et de la satisfaction des actionnaires.
Comme je le fais souvent, je salue la qualité du travail de la traductrice, Séverine Quelet, qui a également assuré la traduction de Révélée.
La confidente
Titre original : The Secretary
Traduit de l’anglais par Séverine Quelet
Éditions Fleuve noir