Funestes carambolages - Hakan Nesser
Ne vous arrive-t-il jamais en farfouillant dans votre bibliothèque de tomber sur un polar dont vous vous demandez ce qu’il y fait. Vous ne l’avez ni acheté ni reçu. Vous le tenez bêtement entre vos mains, soupesant le sort que vous allez lui réserver. Nullement prévu dans votre planning de lecture, il est là comme un intrus, dérangeant et terriblement présent.
En plus, il s’agit d’un polar scandinave, suédois pour être précis. Vous avez beau voir au bas de la couverture « Prix Clé de verre du meilleur polar scandinave », cela ne le rend pas moins encombrant ! Pas récent non plus, publié en Suède en 1999 et traduction française en 2008 seulement.
Et puis, ce titre, qui ferait se détourner un troupeau de rennes dans une parfaite indifférence.
Vous sentez bien que si vous ne le lisez pas illico, vous ne le lirez jamais. Oui mais…Vous tergiversez encore un peu, vous poussez un énorme soupir et vous vous dites : « je commence, on verra bien, si c’est chiant, j’arrête… ». Difficile d’entamer un livre dans un état d’esprit aussi peu réceptif.
Mais parfois la magie des livres opère et j’ai passé un tout bon moment avec cette enquête du commissaire Van Veeteren. Ce dernier est d’ailleurs à la retraite. Mais quand son fils unique est assassiné et que et que ses anciens collaborateurs pataugent allègrement, il reprend du service. En filigrane.
Retrouver l’assassin du fils de Van Veeteren est une priorité absolue, peu importe le nombre d’hommes, le nombre d’heures, le nombre de procès-verbaux d’audition. Mais par où commencer ?
Et nous, petits veinards, avons le privilège d’être au courant des faits dès les premières pages. Non, il ne voulait pas renverser ce garçon, c’était un accident. Il a bien fallu se débarrasser du témoin, il n’avait pas le choix…
Toute l’habileté de l’auteur consiste à nous mettre dans la meilleure des positions, celle de ceux qui savent. Les éléments dont disposent les policiers sont tellement minces que l’enquête ne peut que piétiner. Pas le moindre indice, rien qui puisse les mettre sur la voie.
Le fils du commissaire était toxicomane, il avait décroché mais peut-on vraiment en être sûr ?
Emettre des hypothèses, même les plus hasardeuses, les confronter, interroger, vérifier, vérifier à nouveau est la seule méthode d’investigation dont disposent les enquêteurs. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. L’expression a ceci de rassurant qu’au milieu de la botte de foin, il y a une aiguille, c’est une certitude.
Ce polar est magistral. Il s’agit d’un polar pur et dur et non, comme écrit sur la quatrième de couverture, « Ce qui, au départ, se présentait comme une intrigue policière classique devient une méditation poignante sur le deuil ». Il ne faut pas charrier, ça, c’est du blabla ou alors je suis passé à côté du sujet.
Pour les inquiets et anxieux, qu’ils soient rassurés, nous ne sommes pas gavés de considérations sur le déclin du modèle suédois et autres élans nostalgiques.
Il est acquis que je me plongerai avec bonheur et plaisir dans une autre enquête du commissaire Van Veeteren ; un titre me parle, Le vingt et unième cas qui est, je pense, sa première enquête.
Hakan Nesser
Funestes carambolages
Titre original : Carambole
Éditions du Seuil – Collection Points
370 pages