Le soleil qui s'éteint - Robin Cook
Ma petite absence - qui ne vous aura pas échappé – est regrettable et je la déplore. Elle est due à un cambriolage d’un genre nouveau, le vol de matière cérébrale.
En effet, des malfrats ont volé ma verve et ma faconde. Vous imaginez aisément le préjudice abyssal qui résulte de ce larcin odieux et d’une lâcheté sans nom.
Quand je me suis présenté au commissariat pour porter plainte, le factionnaire aux minuscules yeux porcins et mou du bulbe en a déduit aussitôt qu’il s’agissait d’une affaire de mœurs, d’un délit sexuel.
Il a pensé que faconde était le prénom de ma fille, alors, verve, vous pensez bien, ça le confortait dans son diagnostic. J’ai pris la seule décision que j’ai trouvée judicieuse : je me suis enfui.
Je me suis réfugié dans la lecture d’un grand monsieur au travers du « Le soleil qui s’éteint ».
Je vous livre fissa la quatrième de couverture :
« Protéger un jeune milliardaire qui n’a ni bras ni jambes, c’est une chose ardue. Surtout quand l’Agence de Sécurité qui vous emploie utilise des méthodes un peu…directes et poursuit des buts pas très…réguliers.
Surtout quand votre meilleur copain, ancien héros et barbouze active, se trouve mêlé à l’affaire.
Surtout quand vous êtes veuf, parfaitement inconsolé, d’une femme aimée qui est morte à votre place, à cause du sale métier que vous faites en croyant mériter de la Patrie. »
Ce roman date de 1983 et a été écrit avant la série « L’usine » avec son sergent héros sans nom et ses intrigues d’une teinte sombre tirant résolument vers le noir intense et absolu.
N’en déduisez pas pour autant que vous allez lire un ersatz de Daniel Steel qui est à l’écriture ce que Mireille Mathieu est à la chanson,
Non, c’est un roman noir, comme l’illustre cette phrase à la toute première page : « Quand les gens que je ne connais pas me demandent si je suis marié, je réponds que je suis divorcé – parce que je déteste la pitié et les réflexions chuchotées qu’elle entraîne et parce que la mort est le plus impitoyable de tous les divorces. »
Ici aussi, le narrateur et héros n’a pas de nom.
Le ton est donné. L’atmosphère n’est sans doute pas aussi oppressante que dans « Les mois d’avril sont meurtriers » par exemple. L’auteur nous plonge cependant dans un monde sans espoir où rien ne se rachète et où tout s’achète. Cook est un orfèvre dans ce domaine.
Là où le roman prend sa pleine dimension, c’est quand on le referme. On croit avoir tourné la page et les pages. Mais ce n’est pas si simple. Cela continue à fourrager et travailler ferme dans nos tripes car c’est bien à ce niveau que les bouquins de Robin William Arthur Cook font mal.
Pour terminer brillamment cette brillante chronique, je m’en vais citer Alfred de Musset dans « L’allégorie du pélican » : « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux et j’en connais d’immortels qui sont de purs sanglots… ».
Ainsi sont les romans de Robin Cook.
Le soleil qui s’éteint (1983)
Titre original : Sick Transit
Robin Cook
Gallimard – Folio Policier
245 pages