Les anges déchus de Gunnar Staalesen
Ce livre a été proposé a été proposé par Pierre Faverolle dans le cadre d’une lecture commune au sein du groupe « Amoureux du polar ».
Troisième expérience après « Un nommé Peter Karras » de George Pelecanos et « Lune captive dans un œil mort » de Pascal Garnier.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je me suis fait une promesse et je l’ai faite à Pierre également : je lirai en 2012 un autre roman de Staalesen, « Pour le meilleur et pour le pire », le deuxième de l’auteur après « Le loup dans la bergerie ».
Dans l’avant-propos du livre, je lis que Gunnar Staalesen est par ailleurs (lire en dehors des enquêtes du privé Varg Meum) l’auteur d’une saga en six volumes, Le roman de Bergen, dédiée à sa ville natale.
Il devient vite évident que Staalesen voue à cette ville qui l’a vu naître un amour indéfectible. Là commence la difficulté pour le lecteur. L’auteur aime nous balader à travers rues, avenues, boulevards, ruelles, venelles, cul-de-sac, toutes ces artères portant des noms norvégiens. C’est totalement indigeste. D’où le sentiment erroné que ce livre a été écrit exclusivement pour les habitants de Bergen, un lectorat potentiel de deux cent cinquante mille âmes.
Je concède qu’il est plus facile de situer l’action d’un roman à New York où tout se décline dans des numéros de rues et d’avenues.
Un autre aspect formel qui m’a littéralement irrité et assommé : l’utilisation à doses massives et hypodermiques du verbe acquiescer, au passé simple, à la première et la troisième personne du singulier, à la forme affirmative et interrogative, j’acquiesçai, acquiesçai-je, il acquiesça…. La faute aux deux traducteurs, Élisabeth Tangen et Alex Fouillet ? Je ne le crois pas, d’autant que j’ai déjà lu, entre autres, des romans de Jo Nesbo traduits par Alex Fouillet et que je n’ai jamais repéré une telle overdose d’un verbe.
Il existe des moyens de comptage d’un mot, l’exercice ne m’intéresse pas mais le résultat serait édifiant.
Le recours systématique à des comparaisons toutes introduites par « comme… » alourdit encore le récit.
Certains me rétorqueraient que je m’attarde sur des détails, des peccadilles ; je leur réponds par la négative ; je suis incapable de m’intéresser et d’apprécier l’intrigue, le cœur d’un livre si l’emballage est bâclé.
Je pourrais arrêter ici ma chronique puisque, vous l’avez compris, je n’ai pas pu m’attacher à ce roman.
La quatrième de couverture souligne que Gunnar Staalesen s’inscrit, en renouvelant le genre avec son personnage de Varg Meum, dans la lignée des grands auteurs tels que Chandler, Hammet ou Mankell. Mensonger et délirant. Mensonger, car Staalesen ne renouvelle rien et délirant, le lien entre l’auteur et Hammet et Chandler devant être aussi ténu que le cordon ombilical d’une gerboise à son nouveau-né.
L’intrigue est sombre et noire, on en devine les contours et quand la dernière révélation nous est faite, pas de surprise. Mais là n’est pas l’important ; ce que l’auteur veut exprimer, du moins, je pense, ce sont l’hypocrisie, les non-dits, les tabous, les réflexes de survie après un drame atroce à l’origine duquel les protagonistes d’un groupe pop, Les Harpers, ne sont pas étrangers.
Les personnages – et il y en a beaucoup – ont tous été marqués au fer rouge par cette tragédie survenue le 16 octobre 1975. Leurs vies et leurs comportements en ont été complètement bouleversés et la quête de la vérité menée par le privé, Varg Meum, qui les connaît tous pour avoir grandi avec eux, déroute, dérange, déchire et fait voler en éclat les carapaces qu’ils s’étaient forgées.
429 pages, c’est beaucoup, beaucoup trop d’autant que le rythme est fort lent, qu’il n’y a pas d’action à proprement parler ; la définition la plus juste que je pourrais donner de ces anges déchus est celle-ci : une longue, patiente et minutieuse reconstitution d’un crime qui restera impuni. Sans importance puisque victimes et bourreaux vivent jour après jour les pires des châtiments : la honte, l’humiliation, le déshonneur, le remords.
J’espère sincèrement pouvoir faire une chronique plus positive et plus enthousiaste de « Pour le meilleur et pour le pire ».