Les mois d'avril sont meurtriers de Robin Cook
Comme on le précise souvent et à raison, il s’agit de Robin William Arthur Cook et non de Robin Cook dont les intrigues ont pour cadre le milieu médical et hospitalier.
Robin Cook publie en 1983 « Il est mort les yeux ouverts », prix Mystère de la critique en 1984. Avec ce titre, il inaugure un cycle consacré à l’Usine, surnom donné au commissariat de Poland Street où, dans le service des décès non éclaircis, un sergent anonyme travaille seul sur des affaires dont tout le monde se fout. Comme tout doit porter un nom officiel dans la police, ce service est le A 14 et le bureau dans lequel officie notre sergent est le 205.
Au tout début de sa carrière, quand il n’était que simple agent, il a assisté, impuissant, à l’agonie d’une femme de 62 ans, jetée d’une voiture sur la M 1, comme une vulgaire canette. La lenteur des secours et le peu d’intérêt que représentait ce banal « accident » avaient précipité la mort de cette femme.
Cet événement l’a à ce point marqué qu’il est l’un des premiers à faire partie du A 14 ; « Et voilà pourquoi je suis resté flic, juste au moment où je trouvais que c’était une vie de chien et que j’envisageais de tout lâcher ».
Un événement bien plus personnel et d’un tragique absolu est la mort de sa fille Dahlia, âgée de 9 ans, poussée sous un bus par sa femme, Edie, parce que la petiote avait chapardé une tablette de chocolat dans les rayons d’un supermarché. Elle était folle, il le savait.
Vous me direz : « c’est noir », je vous réponds : « noir intense ».
L’enquête qui lui est confiée et vous l’aurez compris - dont tout le monde se désintéresse – est incarnée par quatre sacs en plastique trouvés dans un entrepôt de Londres. Ces sacs contiennent des restes humains dont l’originalité réside dans le fait qu’ils ont été bouillis. Sordide. Pas d’empreintes puisque plus de peau. Plus de dents puisque brisées et jetées. Quatre sacs bien alignés. Œuvre d’un dingue ? Peut-être, mais d’un dingue professionnel.
Notre sergent en déduit rapidement qu’il s’agit d’un « contrat » et que Londres recèle très peu de candidats répondant au profil. Il identifie le meurtrier et lui rend régulièrement visite, seul, dans son appartement pour lui faire cracher le morceau. Fort bien ! Mais McGruder, authentique psychopathe, plus froid qu’un serpent apprécie très modérément ces visites de plus en plus fréquentes. Le rasoir qu’il n’essaie pas de cacher flirte dangereusement tout près de la jugulaire du policier. Suicidaire, notre homme ? Pas le moins du monde, il sait, avec une précision d’horloger suisse, où se situe le point de non retour.
Mais il s’obstine, s’entête, revient, harcèle ; concédons que quand votre épouse a assassiné votre propre fille, votre façon d’appréhender l’existence s’en trouve radicalement modifiée. Aucune violence de sa part, seulement un désir inextinguible que justice soit rendue, point barre. Ses rapports avec la hiérarchie sont, pour dire simple, conflictuels. On le force à passer un oral pour lui octroyer une promotion, il se saborde avec efficacité et panache.
Un homme détruit, anéanti mais toujours fidèle à ses convictions, à ses valeurs. Sans doute, sa « recette » pour ne pas sombrer dans la Tamise.
Un grand, un très grand bouquin, indispensable dans votre bibliothèque. La lecture du livre ne se termine pas quand vous l’avez achevé, elle se poursuit bien au-delà ; vous éprouverez de l’affection, beaucoup, pour ce policier anonyme.
Coup de cœur, coup de blues et coup de maître.
Robin Cook
Les mois d’avril sont meurtriers
Une enquête du Service des décès non éclaircis
Gallimard – folio policier
308 pages