Un lieu incertain - Fred Vargas
Je ne remercierai jamais assez Cathy Crètenet pour m’avoir gentiment mais fermement enjoint à découvrir Fred Vargas. C’était lors de notre rencontre le 23 décembre 2011 à Bruxelles, dans un haut lieu de perdition, la librairie Cook and Book.
En contrepartie, je l’avais mise sur la piste ô combien royale de Jack Taylor, le privé de Ken Bruen.
J’avais dans ma bibliothèque « Pars vite et reviens tard ». J’ai été complètement subjugué par l’intrigue, l’écriture et les personnages. Quand ces trois éléments sont réunis, le cocktail est savoureux.
« Un lieu incertain » est ma deuxième rencontre avec l’auteur et je ne peux m’empêcher de vous livrer une partie de l’extrait qui figure sur la quatrième de couverture. Grandiose !
« - Bien, dit Clyde-Fox en se rechaussant. Sale histoire. Faites votre job, Radstock, allez voir ça. C’est un tas de vieilles chaussures posées sur le trottoir. Préparez votre âme. Il y en a une vingtaine peut-être, vous ne pouvez pas les manquer.
- - Ce n’est pas mon job, Clyde-Fox.
- - Bien sûr que si. Elles sont alignées avec soin, les pointes dirigées vers le cimetière. Je vous parle évidemment de la vieille grille principale.
- - Le vieux cimetière est surveillé la nuit. Fermé pour les hommes et pour les chaussures des hommes.
- - Eh bien elles veulent entrer tout de même, et toute leur attitude est très déplaisante. Allez les regarder, faites votre job.
- - Clyde-Fox, je me fous que vos vieilles chaussures veuillent entrer là-dedans.
- - Vous avez tort, Radstock. Parce qu’il y a les pieds dedans. »
Irrésistible, non ? Vous me direz que c’est fort humour british, normal, le début de l’intrigue se passe à Londres.
Elle se poursuivra sur le sol français avec le meurtre, plutôt le massacre d’un homme âgé dans la banlieue bourgeoise de Garches. « Le plus repoussant était sans doute les petites paquets de chair déposés sur la laque noire du grand piano, abandonnés comme des déchets sur l’étal… »
Et puis, ce meurtre commis en Autriche qui ressemble à s’y méprendre à celui perpétré en France.
Y a-t’il un lien avec cette histoire abracadabrante de pieds coupés ? Forcément.
Le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg, accompagné d’un interprète, sera amené à se rendre dans un petit village de Serbie, Kiseljevo.
Mon opinion est que les rares habitants de ce bled perdu doivent encore être marqués par le passage de notre commissaire sur leurs terres.
Adamsberg, incapable de mémoriser un nom ou un prénom se découvrira avec délectation un don pour prononcer et retenir des mots et expressions serbes. Allez comprendre !
Il est entendu que cette histoire qui flirte aux confins de l’absurde ne serait ce qu’elle est sans la présence du commandant Danglard, puits d’érudition et accroc au vin blanc.
Et puis, il y a tous les autres, personnages qui tiennent moins de place mais que l’auteur prend soin de croquer avec amour et précision, leur donnant ainsi la consistance qu’ils méritent.
Ma conclusion tient en un seul mot : Plog ! (Vous comprendrez !)
Pour celles et ceux qui n’ont rien lu de cet auteur, n’attendez pas aussi longtemps que moi. Faire un bout de chemin avec nos deux comparses est un réel plaisir, plaisir d’une écriture soignée, plaisir de répliques savoureuses, humour en flux continu ou contenu.
Un petit bémol : l’intrigue s’essouffle quelque peu à mesure que l’on s’approche du dénouement. J’attendais une fin plus enlevée, plus convaincante aussi. Dans cette optique, « Pars vite et reviens tard » m’avait séduit davantage. Une légère restriction donc mais qui ne m’empêche pas de vous recommander chaleureusement ce « rompol ». On s’y amuse beaucoup, vous verrez !
Un lieu incertain
Fred Vargas
Éditions Viviane Hamy, juin 2008
383 pages