Le jardin du bossu - Franz Bartelt
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J’aimerais tant vous donner l’envie de lire ce roman ; cependant, quoi que je puisse faire, quelle que soit la façon dont je puisse évoquer l’intrigue, j’en dirais inévitablement trop et je saborderais votre plaisir que je sens déjà décuplé.
Alors, me voilà dans une impasse tout comme un des personnages du roman. Un méchant cul de sac, une voie sans issue, pas la moindre fissure par laquelle s’échapper, aucune aspérité à laquelle s’accrocher.
Un retour en arrière, j’ai pensé à tout, est impensable et impossible. Comme c’est impossible, arrêtez d’y penser.
A mon avis, l’auteur l’a voulu ainsi. Que l’on ne puisse rien raconter de l’intrigue et d’être ainsi contraint à lire Le jardin du bossu. Il y a des contraintes nettement plus pénibles, des devoirs de vacances autrement plus barbants.
Ce que je peux et veux vous dire, c’est qu’il faut toujours se méfier des relations de bistrot en général et plus particulièrement d’un quidam éméché qui paie tournée générale sur tournée générale. Tout le monde en profite et c’est tant mieux pour les affaires du patron.
Mais quand le bonhomme en question n’arrête pas crier qu’il est plein aux as et qu’il a des tas de pognon stockés dans le tiroir de sa salle à manger, plutôt que susciter notre cupidité, cela devrait éveiller notre méfiance. Mais nous sommes ainsi faits, nous les humains. Et puis, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver, on parle d’argent sale et dans le même temps on nous dit que l’argent n’a pas d’odeur. Alors ?
Moi je dis qu’un mec qui se comporte comme cela, même bourré, cherche les emmerdements. Dans tous les cas, quand la bière coule à flot, ça tourne mal. Il y a les chutes de ceux qui se sont juchés à jeun sur les hauts tabourets du comptoir et qui à la quinzième tournée ne sont plus vraiment en mesure d’estimer la distance qui les sépare du sol. Il y a ceux qui à la dix-huitième tournée tentent de se hisser avec obstination, la bave aux lèvres, sur ces mêmes tabourets et qui retombent en riant à chaque tentative avortée. Des classiques, quoi !
Mais dans l’assemblée, il y a toujours un ou deux clients vindicatifs qui, à chaque tournée, deviennent un peu plus mauvais et cherchent à en découdre. Pas méchants, les bougres mais l’alcool rend con ou mauvais ou les deux à la fois. Tout ça pour dire que le mec qui se vante d’avoir du pognon à ne plus savoir qu’en faire ne peut s’en prendre qu’à lui-même, si quelqu’un lui cherche des poux ou des noises.
Ai-je levé un coin du voile à mon insu ? Vous pourriez le penser puisque vous lirez ce livre et que tout commence effectivement dans un bistrot. Je vous entends d’ici vous exclamer sottement « je le savais, je le savais ! » ou vociférer un « je l’avais deviné ! ».
Illusionnez-vous donc ! Dans certaines circonstances, quand on joue aux devinettes, il y a tout intérêt à connaître la réponse. A plus forte raison quand on pénètre dans l’univers déjanté de Franz Bartelt qui m’a proprement sidéré et conquis. L’absurdité la plus totale peut-elle se confondre avec la réalité ?
Pas plus que moi, vous n’êtes mous du bulbe, certaines questions viendront vous titiller, et c’est très bien ainsi.
Faites-vous plaisir, achetez, empruntez mais lisez ce roman dont la justesse de ton et la qualité d’écriture sont remarquables.
Le jardin du bossu
Franz Bartelt
Folio policier 2004