Rouge-gorge - Jo Nesbo
Après « L’homme chauve-souris » (prix du meilleur roman policier nordique) en 1998 et « Les cafards », « Rouge-gorge » est la troisième enquête de l’inspecteur Harry Hole.
Après l’Australie et la Thaïlande, l’auteur plante son intrigue dans son pays, la Norvège. Harry a commis une bévue - objectivement, ce n’en était pas une - susceptible d’avoir des répercussions diplomatiques graves. Pas d’autre choix pour ses supérieurs que de le muter de la Criminelle aux Services Spéciaux. Son job : la surveillance des milieux néo-nazis de Norvège. On ne lui demande pas la lune, loin s’en faut. Lire des rapports et les transmettre à l’échelon supérieur, s’il l’estime pertinent.
Dangereux de confiner Harry dans cette tâche. En effet, un de ces foutus rapports va éveiller son intérêt et réveiller son instinct d’enquêteur. Il découvre que l’un des fusils les plus rares au monde, spécifiquement utilisé par le terrorisme international est arrivé sur le territoire. Comment, par qui et surtout dans quel but ? La réponse se trouverait-elle dans les événements qui se sont déroulés cinquante ans plus tôt dans les tranchées de Léningrad ?
Autant vous le dire tout de suite, j’ai été happé dès la première page comme une mouche sur un ruban adhésif, berk, c’est dégueulasse !
Outre le formidable travail de documentation qu’il a dû effectuer, Nesbo est un raconteur hors pair. Il nous balade des tranchées de Leningrad pendant la Seconde Guerre mondiale à l’enquête en cours à Oslo en alternant brillamment les chapitres.
Passionnant et intéressant sont les deux adjectifs qui me viennent à l’esprit. Il ne s’agit en aucun cas d’un polar historique mais d’une intrigue époustouflante qui puise ses sources dans des éléments de l’Histoire récente, le front de l’Est où Allemands et Russes se sont affrontés dans des conditions effroyables. Un grand nombre de soldats de nationalités différentes dont des Norvégiens ont combattu aux côtés des Allemands, non parce qu’ils adhéraient à l’idéologie nazie mais surtout parce qu’ils craignaient et haïssaient les bolcheviks.
Voilà pour le contexte historique, vous ne devez certainement pas en savoir plus pour aimer ce polar. Et Harry Hole, dans tout ça ? Il n’est déjà pas le mec le plus heureux de la terre au départ, ses deux enquêtes précédentes n’ont rien fait pour améliorer les choses, ne cherchez pas chez lui un quelconque sens de l’humour, il n’en a pas. Il en aura encore moins à la fin de « Rouge-gorge », vous découvrirez pourquoi.
Mon avis définitif et irrémédiable : après cinq-cents pages environ, je me suis dit « bon sang, je tiens un authentique chef-d’œuvre entre mes mains ! ». Mais le bouquin en compte six-cents. Je reste convaincu que « Rouge-gorge », sans rien perdre de sa force et de sa percussion, que du contraire, aurait gagné à être un peu plus court. Ceci dit, un bouquin sensationnel que je dois vous recommander.
Last and least, j’ai reposé le livre avec un sentiment abominable : Nesbo, en partant, avait oublié de refermer une porte. Le meurtre barbare et sauvage d’une jeune femme, non élucidé. Ce ne pouvait pas être possible ! En fouinant, je me suis rassuré et je vous rassure par la même occasion. Je ne me suis pas trompé. La réponse est à trouver dans l’opus qui suit et qui s’intitule « Rue Sans-souci ».
Donc, oui, vous lirez, pas nécessairement dans la foulée, « Rue Sans souci ». Ne faites pas les grincheux, c’est comme si une main invisible ajoutait une boule de glace de votre parfum préféré sur le cornet déjà bien garni que vous léchez consciencieusement.
Rouge-gorge (2004 pour la traduction française)
Jo Nesbo
Traduit du norvégien par Alex Fouillet
Folio policier