Un zéro avant la virgule - James Holin
Il y a treize mois, je vous livrais la chronique du premier roman de James Holin, Sacré temps de chien. Je vous disais aussi tout le bien que j’en pensais et je vous y renvoie : http://jackisbackagain.over-blog.com/2015/09/sacre-temps-de-chien-james-holin.html
Le bonhomme n’a pas musardé en chemin et nous propose ce Un zéro avant la virgule qui confirme tout son talent. Manifestement, l’auteur a changé de braquet et nous offre un polar plus ambitieux, plus abouti et plus jubilatoire encore. La toile de fond du roman n’est pas très éloignée de la région picarde, théâtre du premier roman puisque l’intrigue se déroule tout à côté, en Normandie. L’intrigue, parlons-en.
Pierre De Vos, le président de la chambre régionale des comptes de Normandie, envoie Jean-François Lacroix, son premier conseiller, contrôler les comptes du musée de la Sculpture contemporaine de Deauville. Un musée original en plein air. Ça ne l’emballe guère d’autant qu’il est contraint d’accepter la collaboration d’Églantine de Tournevire, magistrate à la Cour des comptes. Alors qu’ils assistent à l’inauguration d’une sculpture réalisée par le père du maire de la ville en compagnie de tout le gratin politique, économique et culturel de la région, un homme s’effondre ; il s’agit du comptable du musée, Jean-Guy Bougival. L’autopsie révélera que celui-ci a été empoisonné, même si aucun poison n’a été découvert dans son organisme. L’enquête échoit à Arnaud Serano, capitaine de police, au grand dam de son supérieur, le commandant Pignoletta. En effet, ce dernier met la dernière main au dispositif de sécurité qu’il a concocté pour le célèbre Festival du film américain et voit d’un très mauvais œil la défection de Serano qui vient s’ajouter à un effectif déjà peu nombreux.
Un des atouts majeurs de cette guerre des comptes sur les planches de Deauville réside dans les personnages brossés par l’auteur, ils sont tout simplement irrésistibles ; je ne m’attarde pas sur les méchants qui méritent à eux seuls le détour mais je ne peux pas ne pas évoquer le tandem Églantine de Tournevire/Jean-François Lacroix qui est tout bonnement épatant. Jean-François est plutôt un vieux garçon, engoncé dans des principes, des procédures et une éducation stricts alors qu’Églantine de Tournevire, en dépit de son patronyme alambiqué, est une belle jeune femme d’un mètre quatre-vingts, décomplexée, insouciante, peu soucieuse des codes, du protocole et des horaires. Ce n’est pas qu’il ne l’aime pas, mais elle l’agace avec sa désinvolture, ses tenues excentriques, ses lunettes, sa grande propriété sur les hauteurs de la Seine, son cheval, sa Morgan rouge…Ce tandem fonctionne merveilleusement bien en affichant une complémentarité singulière mais efficace.
Le capitaine de police Arnaud Serano est un autre personnage-phare-du roman. Il a fort à faire avec son supérieur, le commandant Pignoletta, surnommé par ses hommes Petite Pine d’anchois, car jugé peu couillu. Je le trouve exceptionnel, Pignoletta ! Je n’oublie pas son supérieur tendrement appelé Le Petit Marquis qui incarne si bien le syndrome du parachute ou du parapluie. Là où James Holin m’a bluffé et complètement séduit, c’est par sa faculté à créer des personnages qui pourraient certes faire le bonheur des caricaturistes mais ils ont tous aussi cette part d’ombre, ce talon d’Achille, une fragilité et une sensibilité qui leur donnent de l’étoffe, du corps, de la crédibilité, d’où sans doute cette tendresse que l’on s’empresse de leur témoigner.
Je ne voudrais pas vous leurrer et vous faire croire qu’Un zéro avant la virgule n’est qu’humour, farce et facéties. L’humour n’est-il pas une arme redoutable dès lors que l’auteur a aussi l’ambition de fustiger les travers et les vicissitudes de notre société ? A bien y réfléchir, si James Holin avait écrit un essai, il l’aurait peut-être intitulé …De la cupidité et autres turpitudes.
Un autre aspect enthousiasmant de ce deuxième roman est le travail d’écriture impressionnant qui se dégage de l’ensemble. J’ai le sentiment que chaque mot a été soigneusement pesé, soupesé, testé avant de trouver grâce aux yeux du romancier. Les dialogues sont une totale réussite. Le mot qui me vient spontanément à l’esprit pour qualifier ce bouquin, c’est le mot juste. Tout est juste dans ce polar, car c’est un polar et cette justesse trouve naturellement écho en nous.
Dire que James Holin aime cette Normandie est un euphémisme, il la vénère au point d’en faire un personnage à part entière. Des descriptions splendides semées ci et là avec beaucoup de justesse et d’à propos, brillant et réjouissant.
Ne manquez pas l’avis de l’ami Pierre de Blacknovel, c’est ici :
https://blacknovel1.wordpress.com/?s=un+z%C3%A9ro+avant+la+virgule
Un zéro avant la virgule
James Holin
Éditions Ravet-Anceau