La place du mort - Pascal Garnier
Après « Lune captive dans un œil mort » qui avait été proposé par mon ami Pierre Faverolle dans le cadre d’une lecture commune, voici ma deuxième rencontre avec Pascal Garnier. Un roman remarquable, je vous l’écris d’emblée.
Fabien est marié à Sylvie et le couple vit comme beaucoup d’autres une relation basée sur des habitudes, la routine. La passion s’est envolée. Tout bascule très vite. Sylvie décède dans un accident de voiture et Fabien apprend de la bouche de l’inspecteur de police qu’elle était accompagnée de son amant. Vous me direz à raison qu’il n’y a pas là matière à s’emballer et sans doute non plus matière à écrire un roman noir.
C’est là qu’intervient tout le génie de l’auteur. A partir de ce fait divers, il nous plonge dans le noir intense. Est-il malsain que Fabien veuille connaître l’identité de l’amant de sa femme ? Non, c’est légitime, je ferais de même. Cela se corse quand Fabien, pas abattu mais déterminé déclare : « il a piqué ma femme, je lui piquerai sa veuve ». Vous l’aurez deviné, les complications commencent, un engrenage que personne ne peut arrêter s’est mis en route. Cette phrase sublime prononcée par Fabien est annonciatrice : « Demain n’était pas un autre jour, Sylvie était toujours morte. »
Je trouve tout bonnement sensationnel ce talent fou qu’a Garnier de mettre en mouvement des personnages qui ignorent tout des agissements qu’ils vont être amenés à commettre et à subir et de leurs conséquences. Ils sont tellement réels, nous sont tellement proches, tellement « normaux » que l’on a beaucoup du mal à réaliser comment ils en arrivent là. Et pourtant, tout coule de source, le fil conducteur est bien présent mais invisible.
La question sous-jacente : pourrions-nous être l’un de ces personnages ? Je me la pose.
Pascal Garnier, malheureusement décédé en 2010, nous offre en cent cinquante pages à peine, un roman noir exceptionnel, maîtrisé de bout en bout. Autant la fin de « Lune captive dans un œil mort » m’avait paru un peu pâlotte et faiblarde, autant la fin de « La place du mort » est grandiose. Mais bon sang, lisez ces deux livres parus chez Points.
A mes yeux, ils sont amenés à être des incontournables dans le paysage du roman noir français et du roman noir tout court. Sans avoir l’air d’y toucher, Pascal Garnier décortique, dissèque l’âme humaine et surtout, invente des histoires que nul autre n’aurait pu imaginer et mettre en scène avec tant de brio et de concision.
A lire également chez Points : « La théorie du panda ».
La place du mort
Pascal Garnier
Zulma, 2010 et Points Roman noir », n° P2946