Le chuchoteur - Donato Carrisi
Titre original : Il Suggeritore
Avant d’entamer la lecture du roman, il me paraît pertinent de vous renvoyer à la note de l’auteur (page 571) relative à la littérature criminelle. Carrisi explique brièvement ce qu’on entend par « chuchoteur ».
Pour ma part, je préfère le titre italien « Il Suggeritore », celui qui suggère…
Pas d’équivalent en français.
Né en 1973, Donato Carrisi est l’auteur d’une thèse sur Luigi Chiatti, le « Monstre de Foligno », un tueur en série italien. Quelques recherches peu poussées m’indiquent que ce gentilhomme a occis deux petits garçons, ce qui en fait un personnage peu recommandable, nous sommes d’accord.
Toutefois, avec ce très maigre bilan, il n’est pas prêt de rentrer dans le top 100 des tueurs en série.
Il est vrai que le phénomène du « chuchoteur » interpelle ; il est apparu en réaction à l’évolution des sectes, ce qui le rend plus compréhensible. Les suicides collectifs « suggérés » par un gourou en sont une bonne illustration.
Quel pouvoir de persuasion faut-il pour que des dizaines de personnes se donnent la mort dans un ensemble touchant pour des conneries ! Effrayant !
Après ces digressions, venons-en au roman. L’auteur a fait preuve de beaucoup d’ambition pour transposer ce phénomène dans une fiction. J’admets que ce n’est pas chose aisée. Je l’ai lu mais sans jamais pouvoir entrer dedans.
Les personnages sont esquissés, sans plus. J’ai besoin de ressentir les émotions, les sentiments de celles et ceux qu’un auteur met en scène. Les personnages doivent avoir de l’épaisseur, de la consistance pour exister à mes yeux, pour que je puisse éprouver pour eux de la sympathie, du dégoût, quelque chose, quoi... De ce point de vue, c’est raté.
Bonne idée par contre de n’avoir pas situé son intrigue dans un pays, une région.
Et ce n’est pas forcément plus facile. Je n’y vois aucun autre objectif que celui de laisser au lecteur le soin de créer son propre environnement. Et de le coller au plus près de la trame.
Je me suis raccroché inconsciemment à l’intrigue à laquelle j’ai accordé le plus longtemps que je pouvais une certaine crédibilité. Plus j’avançais dans le livre, plus cela devenait difficile. J’ai eu la désagréable impression de verser dans le fantastique, oh, que je n’aime pas ça !
Là où Carrisi m’a achevé, c’est dans le final, tout bonnement ahurissant…D’invraisemblance.
Le plus invraisemblable étant l’impossibilité de prélever un échantillon d’ADN sur un détenu qui est au centre des débats.
Mon avis définitif : j’en ai assez des tueurs en série et j’en assez des bouquins où les enfants sont les victimes. Une poignée de nonagénaires cacochymes et décatis ou à l’inverse verts, vifs ou alertes n’aurait-elle pas fait l’affaire ?
C’eût été une démarche littéraire plus originale et plus audacieuse. Mais au contraire des enfants, les vieux ne se vendent pas ou alors au rabais.
Rien ne vaut une fillette séquestrée dans une cave qui se demande ce qu’elle a fait de mal pour déplaire à ses parents : mauvais résultats scolaires, trois cigarettes fumées en cachette, quelques barrettes volées au centre commercial ?
Cela se vend beaucoup mieux que le dentier d’un vieillard que l’on ferait fondre ou brûler devant ses yeux implorants.
Le chuchoteur s’est vendu à trois cent mille exemplaires, prix polar SNCF. Un livre qui a donc connu un énorme succès. A tort ou à raison, peu importe, c’est le lectorat qui décide. Nous savons tous que succès n’est pas synonyme de chef-d’œuvre ou tout simplement d’un bon ou très bon livre.
Le second ou deuxième (selon qu’il s’arrête ou poursuive son aventure littéraire) roman de Donato Carrisi, « Le tribunal des âmes » est sorti cette année et je gage que beaucoup d’entre vous l’ont lu.
Vous aurez constaté que j’ai écrit cette chronique avec un sérieux qui me laisse
pantois.
Le Chuchoteur
Donato Carrisi
Le livre de poche
568 pages