Le cercle des plumes assassines - J.J. Murphy

Publié le par Jean Dewilde

Le cercle des plumes assassines - J.J. Murphy

Avec sa superbe couverture, ce bouquin est d’abord un bel objet qui pèse bien lourd dans la main. Il est tentant de le déposer sur la table ronde du salon quand vous recevez des invités. Faites le test. Il ne se passera pas deux minutes que l’un deux tendra le bras pour se saisir de l’ouvrage que vous aurez savamment et négligemment laissé traîner entre les olives et les flûtes à bulles.

Dorothy Parker fut l'une des femmes les plus drôles de l'Amérique. Critique, poète, scénariste, elle fut un pilier de la célèbre Table Ronde de l'hôtel Algonquin, où déjeunaient ensemble les plus fins esprits de New York. Dans ce roman qui nous fait revivre les folles années 20, elle devient malgré elle l'héroïne intrépide d'une enquête criminelle. Un matin, Dorothy découvre sous leur table habituelle un inconnu poignardé en plein coeur. Pour compliquer l'affaire, un jeune outsider, venu du Sud, un certain William («Billy») Faulkner, qui rêve de devenir écrivain, va se trouver mêlé à l'histoire. Il est le seul à avoir eu un furtif aperçu du tueur...

Autant le dire d’emblée, l’intrigue qui se développe autour de ce meurtre loufoque (un stylo planté en plein cœur, pas évident pour occire un homme) n’est assurément pas le point fort du roman. Très franchement, on se fiche très vite de savoir qui a tué Leland Mayflower, critique de théâtre. L’assassinat de cet homme controversé est le fil d’Ariane qui relie tous les protagonistes – et ils sont nombreux – du roman. Lecteur, soyez concentré dès les premières pages car il vous faut mémoriser un certain nombre de patronymes. Si vous échouez dans cet exercice, il vous faudra souvent faire des retours en arrière pour vous rappeler qui est qui et qui fait quoi. Je ne peux que vous conseiller de noter sur une feuille de papier les noms des personnages. Pardon ? Vous voulez que je fasse le job à votre place ? Vous ne manquez pas d’air mais puisque vous me lisez, je me sens redevable. En sus de Dorothy Parker, les membres attitrés de cette fameuse Table Ronde de l’Algonquin étaient les suivants :

Franklin Pierce Adams, chroniqueur
Robert Benchley, critique et humoriste
Heywood Broun, journaliste sportif et chroniqueur
Marc Connelly, dramaturge
George Kaufman, dramaturge Harold Ross, éditeur et fondateur du New Yorker Robert Sherwood, auteur et dramaturge
Alexander Woollcott, critique et
journaliste

Sans oublier l’invité d’honneur William « Billy » Faulkner.

Une plongée dans les Manhattan des années 1920, l’époque bénie de la prohibition. Mais qui était-elle cette Dorothy Parker que l’auteur admire au point de lui consacrer non pas un mais trois livres ? Poète, scénariste, critique littéraire incisive et mordante, Dottie également surnommée The Wit encensait ou démolissait dans ses écrits pour le New Yorker ou Vanity Fair. Elle ne faisait pas dans la dentelle et si ses amis pouvaient compter sur son soutien inconditionnel, ses détracteurs avaient bien du souci à se faire.

Mon avis dans tout ça ? J’ai entamé la lecture de ce roman avec un enthousiasme de jeune premier, avide d’apprendre, ravi d’être plongé dans l’ambiance des Twenties. J’y ai croisé toutes sortes de gens, des célèbres et des inconnus, de vous à moi, davantage d’inconnus que de célèbres, des gangsters, des durs à cuire, des policiers bornés, un kaléidoscope reflétant à merveille cette atmosphère propre à une époque où puisque la vente d’alcool était interdite, on n’a jamais bu autant. Il est vrai qu’hommes et femmes sans distinction picolaient sec et que les gueules de bois devaient faire très, très mal. Les lendemains de la veille étaient pénibles d’autant que souvent, il n’y avait pas de veille.

N’allez pas croire que les membres de ce cercle très fermé nageaient dans l’opulence parce qu’ils déjeunaient tous les midis à l’Algonquin. Fauchés qu’ils étaient ! Mais cela ne dérangeait pas outre mesure le directeur de l’établissement dans la mesure où cette petite bande drainait dans son sillage une meute de journalistes et de curieux et contribuait ainsi à la renommée certainement surfaite de l’hôtel.

Je réalise que je n’avance pas d’un iota, que je circonvolue, que je tourne autour de moi-même comme on dit dans le jargon footballistique (difficile à imaginer et encore plus à faire), mais en définitive, cela correspond parfaitement aux membres de cette table ronde qui brassaient du vent, parlaient pour donner de l’air à leurs dents. Tout le monde sait cela : entre gens de lettres, on aime parader, se pavaner, s’adonner au gargarisme littéraire.

Le livre aurait pu s’intituler « Il faut sauver Billy ». Seul témoin du meurtre sans pour autant pouvoir en identifier l’auteur, William « Billy » Faulkner va passer le temps du livre à se cacher car le meurtrier, lui, est persuadé qu’il l’a formellement reconnu.

Je sens que je dois conclure sous peine de lasser votre nerf optique. Ne voyez dans ce roman qu’un honnête divertissement dont vous ne retiendrez pas grand-chose, je crois. Les calembours, contrepèteries et jeux de mots deviennent assez vite agaçants à force de répétition puisqu’avec Dorothy et son fidèle ami, Robert Benchley, tout, absolument tout est sujet à raillerie et ironie. Et cette impression que tout le monde s’amuse dans ce bouquin sauf moi, c’est quand même un comble.

Je serais de très mauvaise composition si je ne vous mettais pas les liens vers deux chroniques bien plus généreuses et enthousiastes que la mienne d’autant que le livre a connu un grand succès dès sa parution le 2 avril 2015. Le 1er et le 3ème livres de la série ont été nominés pour le prix Agatha de littérature policière et ne me demandez surtout pas ce qu’il advient du 2ème !

http://lireetrelire.blogspot.be/2015/04/le-cercle-des-plumes-assassines-jj.html

http://www.amazon.fr/Cercle-Plumes-Assassines-J-J-Murphy/product-reviews/291755956X/ref=dpx_acr_txt?showViewpoints=1

Le cercle des plumes assassines

J.J. Murphy

Éditions Baker Street

342 pages

Titre original : Murder your darlings

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Hélène Collon

Publié dans Le noir américain

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V
Mon bon Jean, tes circonvolutions me laissent sceptique quand à l'intérêt que je devrais porter à cette histoire. Même si la peinture d'une certaine société et d'une époque peuvent valoir le déplacement, je ne me sens pas apte à m'infliger un annuaire de calembours et autres billevesées...<br /> La bise, l'ami...
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J
Mon tout bon Vincent, voilà un commentaire qui a le don de me faire sourire. Mais comme je l'ai écrit, un lectorat nombreux a plébiscité ce roman et c'est la preuve, s'il en était besoin, que la diversité est l'une des grandes richesses de ce monde. A très bientôt.